Deux nouvelles publications

Avec le numéro 6 des cahiers intitulé « Cézallier, histoire de passions et d’émotions, l’Association des Amis du Vieil Allanche restitue avec brio une dizaine de communications qui évoquent la lutte quotidienne et permanente de la population du Cézallier ces derniers siècles aux prises avec les réalités de la vie. Que ce soit le loup, le feu, l’école, le courrier, la littérature, les migrants étameurs ou encore la transhumance organisée, les différents auteurs apportent à cette publication une grande qualité patrimoniale.

Dans l’histoire conflictuelle de l’homme et le loup, l’Auvergne occupe une place de choix. Jean-Marc Moriceau, professeur d’histoire moderne à l’Université de Caen, spécialiste du loup en France révèle bien des aspects de la lutte des gens d’Auvergne face à l’ennemi des éleveurs et des paysans autrefois, y compris dans notre Cézallier.

Christian Baillargeat-Delbos évoque un facteur légendaire. A Ségur, entre Limon et Cézallier, la forte personnalité du facteur Antoine Jhean a marqué durablement les mémoires. Tous les anciens se souviennent de cet homme qui a desservi de 1930 à 1953 dans des conditions climatiques souvent hostiles quatorze villages et hameaux de la commune éparpillés sur une moyenne montagne de 2050 hectares. Une belle histoire d’homme au service de ses compatriotes.

Le certificat d’études primaires dans le canton d’Allanche est le prétexte pour Pierre Amiral d’évoquer le rôle de l’école publique et l’importance de l’épreuve du certificat d’études pour de nombreuses générations. Fort bien documenté, avec faits et chiffres a l’appui, le texte de Pierre Amiral nous fait replonger dans la réalité de l’école de notre enfance, de la réalité de l’examen…avec un brin de nostalgie car la plupart des écoles citées sont à jamais fermées.

La transhumance bovine fait partie du patrimoine pastoral de notre région. Aussi, c’est avec un vif intérêt que l’on peut lire l’article de Marcel Besombes sur la transhumance collective en Cézallier à travers la belle aventure de la COPTASA, coopérative de transhumance et d’amélioration des structures agricoles qui fête ses 50 ans. Une expérience et une révolution agricole sur les estives qui a pris la suite des buronniers. L’unité pastorale de Pradiers regroupe 1126 hectares proches de la Sianne avec comme base d’implantation le buron de Paillasère-haut. Une présentation de l’histoire et du rôle de cette structure qui règle de façon durable le problème du foncier, en faisant participer les éleveurs à la gestion de l’espace rural. Bon anniversaire et longue vie à la COPTASA.

Les migrants du Cézallier furent nombreux à exercer le métier d’étameur. Pierre Kaiser toujours à l’affut d’une belle restitution sur les anciens métiers exercés par ses compatriotes poursuit dans ce numéro son étude sur différentes familles qui ont vécu de cette activité. Précis et bien illustré par de rares photographies, l’article de Pierre Kaiser apporte un regard tout a fait inédit sur cette profession dont beaucoup d’entre-nous ignorent aujourd’hui l’ampleur et l’utilité dans nos campagnes.

Les sapeurs pompiers d’Allanche et leur matériel de lutte contre les incendies de 1846 à nos jours font l’objet d’une belle et émouvante rétrospective. Dans cet article de Jean-Bernard Béland on apprend beaucoup de choses sur les usages et traditions de ce corps constitué dont le but est de porter secours à autrui. Evocation de fêtes et d’évènements, description de l’ évolution du matériel, photographies de différentes époques.. un très long article passionnant qui mériterait un tiré à part pour mieux mettre en valeur la riche iconographie.

A noter aussi deux autres textes intéressants sur l’académicien Jean Dutourd qui montre son attachement au Cézallier, par Philippe Glaize et la surprenante évocation par Joël Fouilheron de l’œuvre de la poétesse et conteuse Marie-Aimée Méraville qui a su au début du XXème siècle restituer l’héritage des savoirs paysans, des mots, des contes et locutions patoises venus de son enfance. Un rappel précieux sur la mémoire d’un autre monde.

Cahier N° 6 en vente à la librairie d’Allanche 28 euros. Tirage limité, n’attendez pas, tous les précédents numéros sont épuisés.

Voici un ouvrage empreint d’une grande humanité sur des « célibataires » photographiés dans leur environnement quotidien, souvent là où ils sont nés, dans le Cantal et l’Aubrac, mais aussi dans les collines du Comté de Clare en Irlande, là ou Agnès Pataux a initié son travail de portraits de célibataires en milieu rural.
Les beaux clichés en noir et blanc sentent la sincérité et le profond respect de la photographe. Ils nous font entrer dans l’intimité dépouillée des maisons et des lieux de travail des personnes rencontrées notamment pour un grand nombre dans les hameaux des communes de la vallée de la Sianne et du Cézallier.

A travers les visages typiques de notre région, on devine le travail rude sur nos montagnes, l’emprise du temps sur ces personnes attachées à la terre, marquées par les multiples contraintes de la vie d’agriculteur. Alain Badiou, philosphe, romancier et dramaturge, qui vient fréquemment se ressourcer dans la vallée de la Sianne, souligne dans le texte d’introduction de l’ouvrage, « ces célibataires font partie de cette immense foule d’êtres humains que notre monde féroce tient pour inutiles. Car, en fin de compte, ils ne sont ni capitalistes, ni financiers, ni économistes, ni animateurs de télé, ni candidats aux élections (majeures), pas même des producteurs rentables et encore moins des consommateurs que passionne l’achat d’objets nuls. Affirmer sans aucun compromis non seulement leur existence, mais la valeur universelle de cette existence, tel est le combat artistique d’Agnès Pataux ».

C’est donc un livre singulier, avec peu de texte, mais des photographies qui parlent d’elles-mêmes, qui donnent envie de rencontrer ces célibataires qui portent sur eux la vie d’un pays que nous aimons autant qu’eux, et qui communiquent bien des espoirs et sans doute des regrets communs.

Ce travail de mémoire d’Agnès Pataux fait résonner la complexité de l’absence, celle d’une vie familiale sans femme ni enfant, sans doute non choisie, mais pas sans liens familiaux. Ces hommes photographiés, et ces quelques femmes, ces frères et ces sœurs, ces mères sont rendus attachants (et ceux que nous connaissons le sont réellement).

On est ravi de cette restitution patrimoniale sur la vie des gens. On en redemande !

Les portraits sont sans légendes, mais les noms et les lieux de vie sont indiqués à la fin de l’ouvrage. Merci à Agnès Pataux et à chacune des personnes présentes dans le livre et notamment celles du Cézallier-Vallée de la Sianne :
Daniel Vinatié et sa mère Marie Louise, hameau de La Jarrige commune de Vèze. Alain Marinech et son oncle Marius Blanc, hameau de La Terrisse commune de Vèze. Maurice Pouzol, commune de Peyrusse. Guy Boyer, hameau de Moudet commune de Vèze. Les frères Lucien et Henry Bresson, hameau de La Terrisse commune de Vèze. René Albaret, Alain Albaret, Léa Albaret, hameau du Baladour, commune de Feydit/Allanche. Marie-Josée Albaret, Michel Albaret, Véronique Albaret, hameau d’Aubejac commune de Peyrusse. Les frères et sœurs Véchambre, François, Jean, Marie, hameau de Chazeloup commune de Vèze. Les frères Eugène et Bernard Rancilhac, hameau du Lac commune de Vèze. Robert Jasselin, hameau de Vélonnière commune de Peyrusse.

« Célibataires » » d’Agnès Pataux, avec un texte d’Alain Badiou. Aux éditions Flammarion, 128 pages. En vente en librairie, 40 euros.