L’imagerie médiévale religieuse
Afin de rendre compréhensible les principes chrétiens par toute la population en ce temps d’analphabétisme général des XII et XIIIèmes siècles, on demanda aux sculpteurs employés dans les églises de les illustrer à leur manière. Majoritairement l’imagerie Romane s’est donc retrouvée sur les édifices religieux jusque dans les contrées les plus excentrées. C’est le cas exclusif de la vallée de la Sianne qui ne comporte plus aucun bâtiment civil de cette époque, à part la tour carrée de Colombine (Molèdes).
Les diverses imageries de pierre, à l’extérieur et à l’intérieur des petits édifices religieux sont dignes d’intérêt car elles renseignent sur une période de l’histoire locale. En tout cas, les sculptures encore visibles montrent que la petite vallée de la Sianne ne fut pas en dehors du grand élan culturel et religieux qui a marqué l’Auvergne après l’an mille. Explications.
Le territoire de la vallée de la Sianne n’est assurément pas le plus exceptionnel et le plus représentatif de l’Art Roman en Haute-Auvergne. Les églises références du secteur sont de petits édifices de village fortement remaniés au cours des siècles qui n’ont jamais eu la magnificence de certaines églises rurales du Cantal où de la Haute-Loire toute proche, à Blesle et Brioude notamment.
Les édifices de la vallée de la Sianne partiellement Roman sont l’église Saint Nicolas d’Auriac, l’église de l’Assomption de Laurie, l’église saint-Léger de Molèdes, l’église saint-Caprais de Vèze, la chapelle saint Julien de Chanet et une petite extension aux églises de Charmensac et Peyrusse dont une partie du territoire se prolonge dans la vallée de la Sianne.
Tenir compte de l’époque
En histoire de l’art, la période romane s’étend de 1030 à la moitié du XIIème siècle. L’Art Roman regroupe aussi bien l’architecture que la sculpture ou la statuaire romane comme les Vierges en Majesté (celle de Laurie en fait partie).
Pour comprendre les vestiges de l’imagerie Romane dans notre territoire, il convient de restituer l’époque. La population du XIème siècle était craintive, écrasée par le monde qui l’entourait et les mystères de la vie et de la nature environnante. Même la réflexion des gens cultivés était marquée par l’irrationnel et les fantasmes, les angoisses du lendemain expliquent les historiens du Moyen-Age. C’est pourquoi il faut regarder l’imagerie Romane comme le reflet d’une manière de vivre, de la situation sociale, économique, politique et religieuse évidemment à une époque donnée.
Art symbolique, le Roman marquait la naissance d’un style universel qui prendra un aspect particulier dans chaque région. En France, les historiens ont recensé une bonne quinzaine de styles différents, mais toutefois avec une vraie unité, celle du même sentiment religieux véhiculé par le christianisme. Par ailleurs, la société romane vivait en autarcie, ce qui explique aussi les caractéristiques régionales, notamment en Auvergne.
Art sacré avant tout, le Roman avait pour but de répandre par les formes et les images le contenu de l’histoire sainte, après des siècles de débats passionnés au sein de l’Eglise catholique sur le bien fondé des images. Jusqu’à l’an mille, où l’on commença à établir des représentations destinées aux fidèles.
L’imagerie Romane proposait une mise en ordre du monde en permettant à chacun d’y retrouver ses préoccupations essentielles : l’amour, le travail, les tentations, la fuite du temps, un sens de la vie dans le monde. La morale chrétienne proposait alors des repères pour le temps du chemin terrestre en attendant le Paradis.
Afin de rendre compréhensible par tous les principes chrétiens en ce temps d’analphabétisme général, on demanda aux sculpteurs employés dans les églises de les illustrer à leur manière. Majoritairement l’imagerie Romane se retrouvait donc sur les édifices religieux jusque dans les contrées les plus excentrées. C’est le cas exclusif de la vallée de la Sianne qui ne comporte plus aucun bâtiment civil de cette époque, à part la tour carrée de Colombine (Molèdes).
Pourquoi cette imagerie à l’époque médiévale ?
Dans la société médiévale, une grande majorité de la population ne savait ni lire ni écrire. C’est ce qui a justifié les sculptures imagées pour l’enseignement de la religion catholique et l’aide spirituelle des fidèles. La sculpture romane fut donc une bible de pierre pour ceux qui n’avaient pas accès aux textes. L’imagerie romane enseignait donc l’histoire sainte, servait de guide pour la vie quotidienne et la morale selon la vision chrétienne du moment. Elle rappelait aussi des épisodes de la vie du Christ, l’exemple des saints, voire de personnages ou seigneurs montrés en exemple. Le clergé, souvent mal formé l’utilisait pour illustrer le sermon du dimanche.
L’imagerie ne recherchait pas seulement un effet esthétique, sont but était bien éducatif. Les artistes mettaient en scène toujours des thèmes de composition en fonction du public qui fréquentait les lieux. Technique toujours essentielle aujourd’hui. Nos médias n’ont rien inventé.
L’imagerie médiévale,
à la source de la culture visuelle contemporaine
Avec le XXIème siècle, nous sommes résolument entrés dans une civilisation de l’image, accentuée ces dernières années par l’extraordinaire développement des nouvelles technologies de l’image et de la communication.
Cette évolution a l’avantage de nous rendre plus attentif aux rôles et aux usages des images et des représentations dans les sociétés qui nous ont précédées, des images qui font partie du patrimoine commun.
Dans la culture médiévale, la notion d’image s’appliquait aux objets figurés, aux langages, aux rêves et aux visions. Tout étant également caractérisé par des influences extérieures héritées de l’antiquité romaine, les importations byzantines et carolingiennes, et surtout le retour en force des images liées à la religion et au culte chrétien. Les représentations sculpturales romanes ne visaient pas forcément au réalisme mais se conformaient aussi à des codes symboliques pour présenter l’absent ou l’invisible, notion très présente dans la foi catholique de toujours.
L’imagerie médiévale de nos églises rurales peut donc se révéler à nos yeux d’aujourd’hui comme un lieu d’expérimentation des représentations du monde, des relations au divin et de mise en jeu des rapports sociaux de l’époque.
Cette culture visuelle du Moyen-Age qui nous parait si lointaine peut nous faire mieux comprendre ce qui nous rapproche et tout ce que notre culture contemporaine de l’image doit à ces temps anciens, mais aussi tout ce qui nous sépare de ce monde.
Le symbolisme est l’une des caractéristiques de l’imagerie Romane. Au-delà de l’aspect ornemental, il était essentiel pour les bâtisseurs d’églises que les fidèles perçoivent au mieux le message transmis par les sculptures de pierre. Les symboles n’étaient pas forcément nouveaux. Ils étaient riches de l’enseignement spirituel et culturel de civilisations disparues.
La période médiévale s’est ainsi beaucoup inspirée de l’antiquité, l’époque romaine, les mythes et traditions dus à l’installation des peuples celtiques et germaniques, la société carolingienne, les croisades…Car en fait, la symbolique traditionnelle est universelle. Le dragon par exemple possède la même signification protectrice en Chine.
Connaître ces symboles et le sens de l’architecture romane permet de mieux comprendre cette société d’il y a 800 ans, ses certitudes, les lois et les dogmes qui organisaient à la fois la vie en société et la vie religieuse. Ainsi, même avec de petits éléments de la sculpture romane encore visibles sur notre territoire, c’est un précieux témoignage qui est offert à notre compréhension.
Sens des chapiteaux dans l’architecture et l’imagerie
Dans la construction d’une église, le chapiteau a un rôle important puisqu’il récupère la poussée des arcs et une partie de la voûte. Il subit donc une pression que le sculpteur devait prendre en compte.Cette soumission aux lois de l’architecture limitait la créativité. Les différences viendront alors des traditions locales, des compétences des sculpteurs et de la nature de la pierre. Le pilier roman est l’héritier naturel de la colonne antique. Les architectes se sont rappelés des corbeilles ioniques et corinthiennes. Ils ont retraduit sur les chapiteaux l’art des parures.
La sculpture romane est donc d’abord un élément d’architecture. A l’intérieur de nos églises on le trouve essentiellement sur les chapiteaux. Mais les sculpteurs ne pouvaient ignorer, ni contourner les formes obligées. Leurs ciseaux ne pouvaient attaquer la pierre n’importe comment. Des difficultés techniques et esthétiques limitaient leurs créativités.
Qu’importe, le sculpteur roman qui avait horreur du vide n’hésitera pas à déformer ses personnages pour occuper les angles par exemple. Toutefois, il faut garder en mémoire que la figuration ornementale des motifs géométriques ou végétaux très présente dans l’imagerie médiévale avait aussi son importance car ils donnaient du rythme et de la dynamique aux symboles.
Le chapiteau historié aura été une spécialité Romane. Si les décors sculpturaux des premiers siècles du deuxième millénaire encore visibles aujourd’hui restent pour beaucoup d’entre nous énigmatiques, il faut savoir qu’ils représentent un vrai lexique par l’image de la culture religieuse des 12 et 13ème siècles. Le temps a évidemment effacé presque toute trace du code interprétatif de ce lexique qui peut nous paraître aujourd’hui étrange et séduisant à la fois.
La période gothique qui suivra, magnifiée par les grandes cathédrales, dont il nous reste les chapelles latérales dans quasiment toutes les églises de notre territoire, ne connaîtra que des chapiteaux à feuillages, mais surtout, l’imagerie sera déplacée sur les vitraux. Un vrai changement de mentalité et de société, et une autre façon de concevoir le sens d’une église chrétienne.
Les modillons, un petit patrimoine savoureux
Les modillons sont un élément de l’architecture romane sur lesquels les artistes du Moyen-Age ont donné libre court à leur imagination. Il se différencie du corbeau, pièce en saillie destinée à porter une charge, très fréquente sur les anciennes maisons car il n’est pas sculpté. Ce qui frappe dans les modillons romans, y compris ceux de nos petites églises, c’est la richesse des thèmes abordés. Les scènes acrobatiques jouxtent les ornementations florales ou géométriques, des représentations animalières ou monstrueuses, des thèmes religieux ou moraux.
- L’acrobate, symbolise l’étape ultime de la spiritualité. Tous les membres sont tounés vers le ciel, mais cette situation demande de la vigilance et de la persévérance.
- La vache, figuration extrêmement fréquente en Haute-Auvergne, mais exclusivement à l’extérieur des édifices sous la corniche. L’art populaire dans toute sa démonstration. Présente à Auriac, Molèdes et Vèze.
- L’Atlante, personnage qui semble soutenir l’édifice, symbole de l’Homme qui par son comportement est un élément essentiel de l’Eglise.
- Le Dragon, souvent un serpent ailé à grande queue pleine d’écailles. Il symbolise le combat qui a lieu à l’intérieur de l’Homme. Il sort généralement vainqueur.
- La feuille, symbole de renouveau et de vie. Le feuillage ne représente pas de plante déterminée, mais des éléments stylisés de la nature.
- Tresse ou torsade, ligne courbe sans rupture qui symbolise le pur et l’infini.
- Langue tirée, symbolise la désinvolture. Un bouche qui tire la langue se moque de celui qui écoute la bonne parole car il sait qu’il y aura la rechute. La bouche dit ce qui est en nous.
- Masques humains ou monstrueux crachant ou suçant des tiges ou des palmettes.
- Le griffon, ou lion, symbole de vigilance.
- Volute, symbolise l’énergie spirituelle naissante.
Au Moyen-âge, tout était peint. La couleur dans les églises permettait d’accentuer la sacralisation des lieux, une sorte de relais entre le monde visible et le monde invisible. Partielle ou totale, la polychromie ornait la majorité des murs et des sculptures romanes, perpétuant en cela les pratiques de l’antiquité. La polychromie s’est éteinte avec le néoclassicisme qui avait créé le goût du monochrome et au 18ème siècle, architecture et sculptures furent blanchies.
Tous les spécialistes s’accordent pour expliquer que la polychromie romane n’était pas le fruit du hasard. Les sculpteurs et les peintres travaillaient de concert. Toutefois, les artistes étaient limités par la fabrication des couleurs constituées d’une préparation à base de pigments. En couches épaisses, elles étaient choisies en fonction de significations précises, liées aussi aux rites annuels de la vie de l’Eglise et des grandes fêtes religieuses catholiques. . Le système traditionnel antique des couleurs était fondé sur le noir, le blanc et le rouge explique les spécialistes. Il a évolué à partir du XIIème siècle en faisant place au bleu, au vert, puis aux autres couleurs.
- Le blanc, symbole de pureté et couleur du passage (les vêtements du Christ après sa résurrection).
- Le bleu, C’est la plus profonde des couleurs, la plus immatérielle. Couleur du ciel et de la mer, c’est le chemin de l’infini. Le bleu est la couleur du bonheur. L’utilisation du bleu et du blanc, couleurs mariales, symboliseront la pureté spirituelle et l’immensité de l’univers. Au Moyen-Age, comme déjà dans l’antiquité, les voûtes des sanctuaires étaient d’Azur et d’Or.
- L’or, symbole type de la richesse matérielle et de la lumière spirituelle. L’or est l’image de la perfection. Plus tard, le Baroque usera cette symbolique pour représenter le divin avec la dorure des Retables.
- L’orange, à mi-chemin entre l’or et le rouge, cette couleur se retrouvait abondamment à la période romane car c’est l’expression de la foi constante en la miséricorde divine.
- Le noir, peu utilisé, mais symbole de la complémentarité du blanc puisque, de la nuit naît de nouvelles lumières. Dans le roman, le noir signifiait toujours l’idée du passage à franchir ou en cours de franchissement.
- Le rouge, couleur fondamentale liée au principe de la vie, à la régénération de l’être. C’est aussi la couleur de l’immortalité, de l’amour libérateur et dans la religion catholique de l’Esprit Saint (flammèches de la Pentecôte). C’est la couleur de la révélation de l’amour universel.
- Le jaune, cette couleur est à la base du rituel chrétien. Il est le signe de la vie éternelle. Le jaune est très souvent associé à la pureté du blanc.
- Le vert, pour les chrétiens, le vert est demeuré l’espérance. Il symbolise les œuvres accomplies et par extension la charité. Couleur du règne végétal et des eaux régénératrices. Symboliquement le vert a toujours eu une valeur médiatrice entre la vie terrestre et la vie céleste.
- Le violet, symbole de spiritualité et de dévotion, de l’échange perpétuel entre le ciel et la terre. Signe de passage et d’un éternel recommencement. Au Moyen-Age les représentations du Christ lui attribuaient toujours pendant sa passion une robe violette.
Perdue au fil des siècles en ce qui concerne l’architecture, ce phénomène de la couleur a retrouvé au 19ème siècle un regain d’intérêt dans les grands et les petits édifices romans d’Auvergne. Le plus bel exemple étant l’abbatiale d’Issoire. Les églises rurales d’Auriac, Laurie et Molèdes ont ainsi retrouvé des couleurs sur les voûtes, les colonnes et les chapiteaux. Des couleurs dont les traces sont toujours visibles. (Voir fiche sur la polychromie du 18ème siècle).
Très en vogue dans les centres urbains au 19ème siècle, les décors peints ont aussi été très populaires en milieu rural à la même époque. Les petits édifices ont eux aussi bénéficiés de décorations colorées : motifs floraux, emblèmes stylisés.Les églises rurales d’Auriac, Laurie et Lussaud, Molèdes et Charmensac ont ainsi retrouvé des couleurs sur les voûtes, les colonnes et les chapiteaux. Des couleurs dont les traces sont toujours visibles.
La période romane marque la fin de l’emploi en architecture des parallélogrammes ou portions de cylindres. Si la décoration de billettes, boudins, motifs géométriques existait déjà sur les édifices mérovingiens, c’est principalement pendant les XI et XIIème siècles que cette décoration prendra une grande importance sur les bâtiments romans. Malgré leur simplicité ces petits éléments participaient à l’ornementation des bandeaux et corniches. On en trouve sur tous les édifices religieux de la vallée de la Sianne.
L’Art Roman, c’est aussi toute une série de représentations symboliques notamment dans l’ornementation (billettes, croix, étoile, carré, X, damier, boudin, flore…).
Les motifs géométriques avaient pour but de montrer l’harmonie de l’univers crée par Dieu.
Tout un bestiaire stylisé, souvent fabuleux marque le style roman. Les animaux familiers font bien sûr partie du décor roman surtout dans nos campagnes. Les artistes ont puisé leurs modèles de modillons et de chapiteaux dans les bestiaires réels ou imaginaires avec les significations morales et religieuses de l’époque. Ceux qui sont parvenus jusqu’à nous restent des témoignages précieux des temps anciens.
Pourquoi tant d’animaux peuplent l’imagerie médiévale ? Il faut savoir que pendant le Moyen Age la description des animaux réels ou fabuleux de la création fut très en vogue. Ces bestiaires furent très souvent empruntés aux auteurs de l’antiquité qui leurs donnaient déjà un sens symbolique.
Les qualités et les défauts de chaque animal étaient présentés comme une figure de l’état de l’âme humaine, de ses vices ou de ses vertus, comme personnification de l’Eglise catholique ou même de Jésus Christ. Du moment qu’il était admis que les animaux avaient été créés pour l’homme et afin que l’étude de leurs moeurs fut pour lui un exemple, il ne faut pas s’étonner de voir sculptés divers types d’animaux destinés à rappeler les vertus que les populations devaient pratiquer ou les vices qu’elles devaient éviter.
Au Moyen-âge, l’homme est au centre de toute chose sur la terre, et l’Eglise lui montre sans cesse cette vérité sur les monuments, petits et grands. Ces sculptures d’animaux, parfois étranges comme des caprices des sculpteurs, des bizarreries sans significations sont au contraire l’unité vers laquelle tendait la pensée du Moyen-âge.
Les animaux, réels ou fantastiques, auxquels on attribuait de qualités si étranges vivaient déjà dans les imaginations bien avant le christianisme. Les symboles et les bestiaires des cultures anciennes furent changés en symboles chrétiens.
Le symbolisme, une expression de l’art et de la foi. Même de nos jours, il est encore bien difficile de concevoir les religions dépouillées de symbolisme car il est une puissante expression de l’art et de la foi.. Il n’est pas surprenant que le christianisme a utilisé une quantité prodigieuse de symboles forts. Pendant tout le Moyen-âge, cette soif de symboles donnait aux artistes de vastes champs à investir.
Sur les modillons et les chapiteaux romans, les acrobates sont partout présents et symbolisent l’étape ultime de la spiritualisation. Mais ceux qui ont atteint ce stade doivent rester vigilants.
Dans l’idée des sculpteurs, il s’agit de représenter la conversion intérieure, le nouvel équilibre apporté par la foi chrétienne et la recherche du salut.
Dans toutes les civilisations les acrobates tiennent une place particulière dans l’imagerie et les aspirations. L’acrobatie symbolise l’envol vers une autre condition.
Sur le chapiteau de l’église de Laurie (photo ci-contre),solidement campé sur ses jambes, l’acrobate s’accroche d’une main à une branche (droite), de l’autre, il tient un bâton horizontal qui occupe le centre de la corbeille. De ce bâton tombe un élément indistinct, peut-être un fruit.
Dans la pensée romane chrétienne, le retournement est la gymnastique que chacun doit opérer pour trouver son salut et qui consiste à amener vers le haut tout son être. Les sculpteurs ont représenté cette démarche par des acrobates qui tournent leurs membres ou une partie de leur corps vers le ciel.
Se tenir les pieds, la cheville ou la jambe est le symbole du contrôle de la marche vers le ciel. Dans l’art roman, c’est un degré élevé de spiritualisation dont l’ultime étape est le retournement ou la conversion lorsque les membres inférieurs sont orientés vers le ciel.
La foi demande vigilance et persévérance. La sculpture représentant l’acrobate en est le symbole
Dans la culture médiévale, il n’y avait pas de séparation entre le sacré et le profane. Toutes les représentations de la vie, de la conception du monde étaient en Occident marquées par la religion chrétienne. La sculpture romane, même en milieu rural parlait donc de certaines attitudes, du diable, de mystères aussi...
Le modillon du pisseur
Ce modillon sous la corniche de l’église de Peyrusse qui provient probablement de l’ancienne église romane offre la scène d’un personnage masculin qui n’hésite pas à offrir au regard ce qui est d’ordinaire caché.
Quel est donc le sens du modillon du pisseur ? Les imagiers romans recevaient des thèmes religieux imposés pour sculpter les modillons et les chapiteaux. Mais ils devaient aussi avoir l’occasion d’exprimer d’autres préoccupations, beaucoup plus proche des réalités quotidiennes.
Cette marge de liberté que l’on découvre sur de nombreuses églises romanes offre quelques saisissantes figures ou positions, la plupart du temps à l’extérieur des édifices, permettant aux sculpteurs d’exprimer leurs fantaisie, humour ou gauloiserie.
Le diable, la manifestation du mal
Le diable est toujours présent dans l’art roman.
Le voici sur l’un des deux modillons de l’église de Vèze : faciès grimaçant et cornes bien en vue
Le diable symbolise toutes les forces qui affaiblissent la conscience de l’Humain. Il est la nuit par opposition à Dieu, centre de lumière. Sa réduction fréquente en forme grotesque manifeste symboliquement la chute de l’esprit.
Tout le rôle du diable est de déposséder l’Humain de la grâce de Dieu pour le soumettre à sa propre domination.Un appel à lutter contre le mal.
C’est dans la sculpture du XIe siècle, en France, que le diable a commencé à jouer un rôle important. L’imagination des artistes s’est plue à lui donner les figures les plus étranges et les plus hideuses : sous la forme d’un homme monstrueux, souvent pourvu d’ailes et de queue ou sous la forme d’animaux fantastiques. A à l’église deVèze, il s’agit plutôt de diablotins
Entrelacs ou figure symbolique
Ce motif qui figure sous la corniche de l’église d’Auriac, deux tigettes croisées réunies par un cercle (symbole fondamental) interroge. L’association de l’X, symbole du refus dans l’art roman, et du cercle, qui exprime le souffle de la divinité sans commencement ni fin, pourrait bien donner une autre signification à ce modillon qui reste énigmatique.
Les entrelacs sont des motifs d’ornementation particulièrement adoptés pendant la période médiévale, principalement sur les grands édifices romans. Ce modillon sous la corniche de l’église d’Auriac semblerait alors le dernier vestige de cette décoration sur nos églises
Le bouton est un singulier ornement décoratif de sculpture fréquemment employé dans la décoration architecturale pendant le XIIème et le XIIIème siècle. Il est destiné à décorer différents espaces à l’intérieur où à l’extérieur des édifices romans. On le trouve sculpté de différentes formes sur les petits édifices religieux de la vallée de la Sianne.
Les boutons en relief sont réunis comme des grains de chapelet courant le long du stylobate du choeur de l’église Saint-Nicolas d’Auriac. Il prend la forme de petits mamelons qui ponctuent une arcature qui ceint également le clocher.
On le retrouve aussi sur des modillons qui devaient autrefois porter des couleurs vives.
A la chapelle Saint-Julien de Chanet, le bouton en relief agrémente une archivolte de l’abside donnant au sombre édifice à la pierre nue un brin de fantaisie.
En fait, il s’agit là dune modeste ornementation pas si banale que cela car elle permettait de rompre la monotonie d’espaces sans figuration. Ce style architectural était déjà utilisé dans les temples Grecs comme piédestal supportant les colonnes.
Le chapiteau historié aura été une spécialité romane. Si les décors sculpturaux des premiers siècles du deuxième millénaire encore visibles aujourd’hui restent pour beaucoup d’entre nous énigmatiques, il faut savoir qu’ils représentent un vrai lexique par l’image de la culture religieuse des 12 et 13ème siècles. Le temps a évidemment effacé presque toute trace du code interprétatif de ce lexique qui peut nous paraître aujourd’hui étrange et séduisant à la fois.
Le personnage du barbu sur un chapiteau de l’église de Vèze, entre des boules aux angles avit tout son sens dans l’art roman. La barbe, c’est le symbole du vieil homme avec ses points faibles qui a beaucoup péché.
La période gothique qui suivra le temps du roman, magnifiée par les grandes cathédrales, dont il nous reste les chapelles latérales dans quasiment toutes les églises de notre territoire, ne connaîtra que des chapiteaux à feuillages, mais surtout, l’imagerie sera déplacée sur les vitraux. Un vrai changement de mentalité et de société, et une autre façon de concevoir le sens d’une église chrétienne.
.Chapiteaux aux feuillages stylisés (Eglise de Laurie)
Chapiteaux aux feuillages d’angle séparés par une tige (Chapelle de Chanet/Feydit)
Le portail de l’église Saint-Pancrace de Vèze est le seul porche du bas-Moyen-âge dans les édifices de la vallée de la Sianne. Ce portail roman à trois voussures témoigne des transformations de l’édifice au cours des siècles. Il fut couvert en effet au XVème siècle par une voûte sur croisée d’ogives quadripartite gothique.
Ce portail roman présente des belles particularités :
- claveaux polychromes (pierres en forme de coin) disposés en plein cintre. Traditionnellement les constructeurs du Moyen-âge donnaient à ces pierres taillées la même forme et la même dimension.
- archivolte polychrome obtenu par l’utilisation de tuf marron et de tuf clair qui adopte la courbe brisée, décorée de perles et de petits motifs comme le trèfle à quatre feuilles et de petites pointes.
- deux consoles à têtes humaines en trachyte peut-être un ajout postérieur
- arcs ornés de fines rainures
Le porche gothique ouvre en direction du sud par un arc brisé à cavets, (lé de voûte représentant l’agneau pascal) tandis que les parois maçonnées à l’ouest et l’est sont dotées de tablettes formant des bancs latéraux.
En 2001, pour les besoins du film de Pierre Jolivet « Le frère du guerrier », dont l’histoire se déroule au XIIIème siècle, quelques scènes ont été tournées à la chapelle de Chanet. Les décorateurs sous la direction du Chef décorateur du film Emilio Ghigo, ont reconstitué sur les vieux murs de l’édifice des fresques romanes. Chanet transfigurée le temps d’un tournage. Un décor surprenant qui donne une idée de la polychromie dans les édifices romans.
PATRIMOINE
L’eau
Les moulins de la vallée de la Sianne
Les passerelles primitives sur la Sianne
Les moulins de communautés villageoises
Le pays
Les Activités
L’estive sur le Cézallier Cantalien
Vie agricole : le temps des moissons (3)
L’usage du feu dans la maison traditionnelle
Le Bâti
Les symboles sur le bâti ancien
Les petits bâtiments d’élevage
Les toitures du Cézallier cantalien