Les fours à pain communaux
De nombreux fours à pain bâtis en pierre du pays sont encore visibles dans la vallée de la Sianne. Dans chaque hameau, le four banal mêlait les habitants avec une étonnante convivialité. Malgré leur abandon depuis une cinquantaine d’années, un certain nombre de fours à pain ont résisté au temps grâce à leur couverture en lauze. Certains ont été restaurés par les communes et sont parfois utilisés lors de fêtes ou de repas collectifs.
Mais beaucoup de ces modestes constructions de villages ont été détruites lors de l’aménagement de places ou pour l’élargissement des routes. Le four à pain reste dans l’inconscient collectif le témoin authentique d’une époque où le boulanger n’existait pas. Les fours donnaient au pain un goût incomparable tout comme aux tartes et autres plats cuisinés. Par leur présence, ils rapellent la vie collective d’autrefois.
Des vestiges de fours à pain bâtis en pierre du pays sont encore visibles dans la vallée de la Sianne. Dans chaque hameau, le four banal mêlait les habitants avec une étonnante convivialité. Mais chaque année qui passe entraîne avec elle des disparitions. Certains hameaux n’ont plus la trace de leur vieux four à pain.
villageoise cuisait son pain
Le four avait un rôle essentiel dans la vie quotidienne de la population de tous les villages. Et l’on se souvient encore de la mobilisation de toutes les familles pour cuire le pain.
A Fraissinet
Hameau de la commune d’Auriac-l’Eglise
"Quand mes parents faisaient le pain"
"Autrefois chaque village, parfois même chaque maison, avait son four à pain. Nous avons le notre qui ne sert plus depuis quelques années. Cependant, je me souviens encore du temps où mes parents faisaient notre pain".
La veille au soir maman mettait la farine dans la grande maie. Elle pétrissait un peu de pâte avec un peu de farine, de l’eau tiède et le levain qu’elle avait conservé depuis la fournée précédente. Puis, elle couvrait le pétrin jusqu’au lendemain.
Dès le matin, maman se transformait en boulangère, et les bras nus, les cheveux et les vêtements couverts de farine, elle rebrassait la pâte. Elle ajoutait ainsi au levain de la veille de l’eau, du sel et toute la farine de blé et de seigle qu’elle avait préparée.
Lorsque la pâte était à point, maman la divisait en petites tourtes qu’elle déposait dans les paillassons enfarinés. Puis, elle plaçait les panetons dans un endroit assez chaud et les couvrait d’un linge.
Pendant ce temps, papa chauffait le four. Les genêts secs, le bois mort, les genevriers, les buissons flambaient à l’intérieur du four pendant deux ou trois heures produisant une bonne chaleur.
Lorsque le four était assez chaud et les tourtes levées à point, papa se préparait à enfourner . Vite il faisait tomber les braises avec une raclette, puis il balayait soigneusement le four avec une perche et un chiffon humide.
Maman portait les tourtes, les renversait sur la pelle à long manche et papa les déposait à la place voulue dans le four. Ensuite, on y rentrait les tartes, les patés aux pommes et les brioches à cornes appelées « cornards ».
Lorsque la porte du four était fermée, les pains et la patisserie se doraient et cela sentait bon partout. Et le soir, nous nous régalions.
Patrick Boudon (10 ans en 1969)
Publié dans la revue des élèves de l’école publique d’Auriac-l’Eglise
Fête patronale au hameau de Fraissinet en 1823
Dans son livre "La terre sacrée" Jean-Louis Boudon rapporte comment l’on préparait la fête patronale en 1823 au hameau de Fraissinet . Elle était célébrée suivant une coutume bien précise ou le four avait toute son importance.
« Dans les jours qui précédait la fête dit-il, l’agitation était à son comble dans le village. Les hommes appelaient la semaine qui précède la Saint-Barthélémy « la semaine de la faim. Le beurre et les œufs étaient réservés pour les tartes et les gâteaux. Les femmes régnaient en maître, les hommes devenaient
les auxiliaires faisant provision de bois pour le four.
Les trois premiers jours de la semaine avant la fête du dimanche, se passaient à faire la toilette de la maison et de ses abords. Les cuivres étaient polis, les étains nettoyés à la cendre de bois. Le jeudi était jour de cuisson des pains passés. Le vendredi celui de l’achat de viande. Le samedi on cuisait tartes, pâtés et gâteaux.
Le dimanche matin le four s’emplissait de rôtis et de terrines de boeuf en daube. Ce plat magistral qui fit le régal de nos ancêtres exigeait quatre heures de cuisson.
De dix heures à midi le four était débarrassé pour recevoir une fournée de pâtés de viande qui doivent être servis onctueux et fumants après la soupe aux choux et l’oulée de jambon et du bœuf qui suit.
De une heure à cinq heures de l’après-midi, chacun prenait part au festin. On devine quelle agitation régnait dans le village et quelle compétition pour l’utilisation de l’unique four du village ».
Au four banal du hameau de Riol
"Le four communal du hameau de Riol dont il ne reste que des morceaux de murs, a connu une forte activité jusqu’au début des années 60, se souvient Jean Vallon. En hiver, on cuisait le pain toutes les trois semaines. En été tous les quinze jours. Une fois la cuisson terminée, on mettait le bois dans le four encore chaud. Il séchait ainsi et pouvait être utilisé beaucoup plus rapidement pour la cuisson suivante »
Albertine et Marcel connaissaient bien leur affaire. Chaque semaine, dans les années cinquante, Albertine préparait la pâte à pain. De son côté, Marcel s’occupait du four. Pour la petit ferme familiale du hameau de Chastres, le rituel était rodé, classique mais essentiel. Les belles tourtes cuites au four accompagneront tous les repas. Témoignage.
"A la maison, dans le coin de la grande pièce, on a soulevé le couvercle du pétrin (la mastra). La farine de blé, ramenée du moulin et stockée dans les sacs, est versée dans le caisson. Après avoir fait un petit trou au milieu du dôme de farine, (nous sommes au pays des volcans), Albertine verse progressivement l’eau et commence à pétrir.
Le pétrissage est très dur, surtout au début : on a mal aux bras. Il ne faut ni ménager sa peine, ni oublier le levain et une pincée de sel. Après un certain temps, la pâte est prête. On la répartit dans les paillassons (moules en paille tressée, fabriqués pendant l’hiver à la veillée) au fond desquels on a disposé un torchon en toile. On rabat les bords du torchon sur la pâte qui remplit chaque paillasson. Celle-ci va monter peu à peu et sera prête pour le moment de la cuisson.
Pendant ce temps, Marcel chauffe le four. Il l’a allumé avec des brindilles de frêne provenant des fagots dont les moutons ont mangé la feuille, puis il a ajouté progressivement des branches plus grosses. Le feu flambe. Peu à peu, les braises s’amoncellent sur la sole en briques réfractaires. Elles sont étalées avec le racloir.
Il fait chaud pour Marcel, la bouteille de vin et le verre sont posés près de la porte. En cas de visite d’Alfred qui habite derrière, ou d’autres villageois, Marcel pourra trinquer. Si personne ne vient, il trinquera seul.
Le tas de braises est maintenant conséquent. Marcel l’étale une dernière fois et ferme la porte du four. Les briques de la sole, mais aussi de la voûte, vont emmagasiner la chaleur en attendant l’arrivée de la pâte.
Le four est chaud. Marcel ouvre la porte et racle les braises encore fumantes. La sole est brûlante, on va pouvoir enfourner. La pelle plate et ronde, munie d’un long manche, est posée sur le seuil du four. La pâte gonflée et odorante contenue dans les paillassons est retournée sur la pelle.
Deux coups de couteaux croisés entament le dessus de la pâte et forment un quadrillage. Une dizaine de tourtes ainsi travaillées seront réparties une à une, à la pelle, dans le four. La porte refermée, la cuisson commence. Moment de répit pour Marcel, petite discussion avec les voisins, tout en débarrassant la braise sortie du four et en rangeant les fagots de freines non utilisés.
Une heure est passée. La porte s’ouvre. Les tourtes fumantes sur les quelles se dessinent les larges traces du couteau, sont sorties avec la pelle et déposées sur une planche. Stockées dans le tiroir de la grande table, elles seront découpées en larges tranches avant chaque repas, dans le courant de la semaine suivante. Le pain bis se conserve très longtemps sans sécher...
Il ne faut pas perdre de temps, car les pâtés aux pommes, à pâte très consistante, arrivent. Ils sont aussitôt enfournés tant que le four est chaud et seront vite cuits. Ils achèveront le repas de midi ou seront dégustés au quatre heures. A la semaine prochaine..."
Denis Hermet
Le four du hameau de Fouillère (Laurie) a été remis en usage en 1994 alors qu’il avait cessé d’être utilisé depuis le début des années cinquante.
Beau spécimen des fours de villages, et bien restaurés à plusieurs reprises, le four est utilisé plusieurs fois par an pour cuire pain, patés, et pompes aux pommes.
Le four communal du hameau de Lussaud au centre du couderc est le type même du four de la Haute-Auvergne. Sa couverture en lauze atteste son ancienneté au coeur du gros village rattaché à la commune de Laurie le 2 août 1836. On y fabrique toujours du pain les jours de la fête patronale de la Sainte Madeleine en Août.
Le four à pain du hameau d’Aubevio récemment restauré impose sa masse au coeur du hameau. Il est particulièrement bien placé près d’une fontaine et de la route. Autrefois, il connaissait une intense activité.
Bâti en pierre du pays et couvert en lauze, le four du hameau d’Allagnon a fonctionné jusque dans les années 1950. Il a fait l’objet d’une importante restauration qui a permis de le faire fonctionner de nouveau.
Le four est situé au centre du village sur un endroit ouvert, le couderc, espace communal de vie communautaire près de la Sianne. Pour l’association Cézallier-vallée de la Sianne, la restauration de ce four revêtait une grande importance. En effet, il est le seul rescapé des fours communaux du fond de vallée.
. Le village d’Allagnon et son four près de la Sianne en 1912
Situé à l’entrée du village, le four communal de Chavagnac était complémentaire des fours privés intégrés dans la plupart des maisons.
Dans son livre "La terre sacrée", Jean-Louis Boudon, natif du village, rapporte comment l’on préparait la fête patronale en 1823 au hameau de Fraissinet . Elle était célébrée suivant une coutume bien précise et le four avait toute son importance.
« Dans les jours qui précédait la fête dit-il, l’agitation était à son comble dans le village. Les hommes appelaient la semaine qui précède la Saint-Barthélémy « la semaine de la faim. Le beurre et les œufs étaient réservés pour les tartes et les gâteaux. Les femmes régnaient en maître, les hommes devenaient les auxiliaires faisant provision de bois pour le four.
Les trois premiers jours de la semaine avant la fête du dimanche, se passaient à faire la toilette de la maison et de ses abords. Les cuivres étaient polis, les étains nettoyés à la cendre de bois. Le jeudi était jour de cuisson des pains passés. Le vendredi celui de l’achat de viande. Le samedi on cuisait tartes, pâtés et gâteaux. Le dimanche matin le four s’emplissait de rôtis et de terrines de boeuf en daube. Ce plat magistral qui fit le régal de nos ancêtres exigeait quatre heures de cuisson.
De dix heures à midi le four était débarrassé pour recevoir une fournée de pâtés de viande qui doivent être servis onctueux et fumants après la soupe aux choux et l’oulée de jambon et du bœuf qui suit.
De une heure à cinq heures de l’après-midi, chacun prenait part au festin. On devine quelle agitation régnait dans le village et quelle compétition pour l’utilisation de l’unique four du village ».
Difficile de s’attarder devant le four du hameau d’Escrouzet (Molèdes). Il ne reste qu’une banale ruine. Une habitante du village a écrit en 1972 une poésie "mon vieux four à pain"... avec un brin de nostalgie.
A droite de l’image le four communal à la toiture à un pan, vers les années 1950
Jadis au milieu du village
existait un vieux four voûté
où mes parents selon l’usage
cuisaient le pain qu’ils mangeaient.
J’aimais voir enfourner le pain
et la fouace du bon froment,
cette cuisson ne donnait faim
je la guettais impatiemment.
Mon dieu qu’il sentait bon !
Le village était parfumé.
Ce temps n’est plus, ni la chanson
du vieil Etienne le charbonnier.
Hélas le vieux four est détruit.
Ses vestiges sont couverts de ronces.
Les paysans m’ont dit : "Fini".
A cuire notre pain on renonce.
Je contemple d’un oeil attendri
les pauvres ruines du vieux four.
Sous ses pierres grises "Ici git"
la tradition des anciens jours.
Carmen Burkel-Veissière
Ruines du four d’Escrouzet
du four de Molèdes
Le four a résisté au divers élargissements de la route et aux aménagements du périmètre de l’église. Le bâtiment rénové depuis peu est l’un des derniers fours communaux encore au centre d’un bourg.
PATRIMOINE
L’eau
Les moulins de la vallée de la Sianne
Les passerelles primitives sur la Sianne
Les moulins de communautés villageoises
Le pays
Les Activités
L’estive sur le Cézallier Cantalien
Vie agricole : le temps des moissons (3)
L’usage du feu dans la maison traditionnelle
Le Bâti
Les symboles sur le bâti ancien
Les petits bâtiments d’élevage
Les toitures du Cézallier cantalien