Ranger et conserver
A la fois extension de la salle commune, débarras, cave, la souillarde nommée comme en Provence, était généralement une vraie pièce d’eau surtout dans les grandes fermes. Les vaisselles autant que les lessives se faisaient là. Son rôle aussi de garde-manger et de laiterie prédisposait à toujours placer cette pièce au nord de l’habitation.
La souillarde était généralement séparée de la salle commune par une porte pleine ou à claire-voie ou parfois vitrée ou encore fermée par un simple rideau.
La souillarde était la pièce de rangement où les femmes rassemblaient la batterie de cuisine, les chaudrons et les marmites, les toupins de graisse, et les pots de confit. Elle tenait lieu de saloir après le dépeçage du cochon. Parfois elle accueillait un garde-manger garni d’une toile métallique à petits trous où les fromages étaient à l’abri des souris et des mouches pendant l’été.
Le mobilier de la souillarde était différent en fonction de l’espace disponible. Les plus étroites n’offraient guère que quelques étagères. Les plus spacieuses comprenaient pierre d’évier, fromager, étagères diverses..
De nombreuses maisons rurales construites à partir du 19ème siècle intègrent fréquemment dans la salle commune et dans les chambres de vastes boiseries-placards comprenant en façade jusqu’à quatre portes pleines qui ressemblent à des portes d’armoires et qui parfois s’élèvent jusqu’au plafond.
Les espaces de rangement avaient une grande utilité dans la vie domestique avant la généralisation de l’armoire.
Le placard faisait partie de l’ameublement traditionnel de la maison rurale. En aménageant dans le mur où sur le côté de la cheminée ces placards, la famille disposait d’espaces fermés pour y entreposer à l’abri des ustensiles divers dans la salle commune et de la lingerie et les piles de draps blancs dans les chambres.
Avant la généralisation de l’armoire dans l’habitation paysanne, l’enfilade de placards a été une forme de mobilier représentatif de l’intérieur paysan auvergnat.
Enfilade de placards aux portes moulurées style Louis XV avec des traverses inférieures et supérieures comportant les symboles de l’étoile, et la rouelle (Commune de Vèze)
Le coffre est l’élément le plus ancien du mobilier généralement apporté par l’épouse. Supplanté par l’armoire il est désormais peu présent dans les maisons d’aujourd’hui mis à part les bancs coffres servant de marchepied dans les pièces possédant encore des alcôves anciens.
Jadis le coffre servait à tout, bien avant l’invention de l’armoire. Il avait, outre sa fonction de « contenant » également celle de marchepied devant les lits-clos, de siège, de table et parfois aussi de maie.
Les coffres furent utilisés pour ranger les vêtements et le linge de maison, puis par la suite l’outillage et les ustensiles, les produits alimentaires, les graines diverses…
De nombreuses maisons du Cézallier possèdent encore beaucoup de ces coffres de montagne, très frustres en sapin qui étaient voués à des usages divers souvent transformés en coffre à grain au grenier.
Les coffres faisaient partie avec leur contenu de la dot de la mariée avant l’introduction de l’armoire. On trouvait parfois plusieurs coffres par maison issus des différents héritages.
Coffre à linge de Haute-Auvergne avec une particularité rare : un petit coffret latéral qui servait à ranger les papiers et titres de famille (Commune de Peyrusse)
Le banc-coffre ou marchebanc, jamais pourvu de dossier, était disposé devant l’alcôve dont il avait la même longueur. Indissociable des lits-clos comme de l’alcôve, il permettait d’accéder au lit généralement assez haut. Ce meuble paysan caractéristique donnait plein sens à la formule commune "monter se coucher".
Ce dispositif d’accès au lit qui remplissait aussi la fonction de coffre n’existait déjà plus dans bien des maisons lorsqu’un vrai lit (lit à rouleau) à remplacé au début du XXème siècle la couchette traditionnelle en planche.
La plupart des marchebancs ont disparu avec les lits-clos. Ceux qui existent encore servent de coffre.
L’armoire-coffre est un ancien type de meuble de facture modeste devenu très rare qui trouve ses origines dans l’ancestral coffre. Deux types de ce meuble emblématique de nos campagnes ont été retrouvés sur la commune de Vèze : l’armoire-coffre de rangement et l’armoire-coffre à grains.
L’armoire-coffre de rangement
Dans la partie basse de ce meuble pratiquement disparu, certaines familles du Cézallier rangeaient le rouet ainsi que les assemblages de fils de lin, de laine ou de chanvre, repliés en plusieurs tours, afin qu’ils ne se mélangent pas. Le meuble en photo n’a plus ses deux portes. (Commune de Vèze)
L’armoire-coffre à grains
Cette armoire en longueur divisée en trois compartiments servait au stockage du grain généralement dans le grenier où la grange. Devenue depuis longtemps inutile dans les fermes, et peu réutilisable, ce type de meuble a totalement disparu (probalement dans les flammes).
La maie ou pétrin fut le mobilier le plus populaire à une époque ou la plupart des maisons rurales disposaient d’un four à pain privatif dans le cantou ou à l’extérieur de l’habitation. Sans four les familles pouvaient utiliser le four communal.
Dans la maie, meuble strictement utilitaire d’une rusticité généralisée et sans décor dans le Cézallier, on pétrissait la pâte, faisait lever le pain toutes les deux ou trois semaines.
La maie de Haute-Auvergne était donc un meuble de service, frustre et de forme classique, la pyramide tronquée, généralement sans aucune décoration car depuis le 19ème siècle elle ne faisait plus partie des meubles de la salle commune. On la plaçait dans une pièce voisine, soit dans la souillarde, le débarras ou dans la cave.
La maie, appelée aussi pétrin, pâtière ou encore coffre à boulange , est en fait une simple caisse en sapin, hêtre, orme ou cerisier qui repose sur quatre pieds. Elle est couverte par un plateau amovible. Elle pouvait conjuguer deux fonctions : meubles à pétrir la pâte à pain ainsi que huche à pain pour conserver la fournée.
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La maie à tiroir
Ceraines modèles de maie qui étaient utilisés en Haute-Auvergne sont un peu plus élaborés et sont pourvus d’un tiroir en façade, ménagé dans la partie inférieure, ce qui en faisait un véritable meuble de service pour ranger des ustensiles divers comme la raclette à pétrin qui servait pour ne rien laisser de la pâte dans la maie.
La huche placard
Certaines fermes importantes ayant du personnel avaient besoin de beaucoup de pain. Elles disposaient alors d’un placard huche permettant d’entreposer les tourtes, paillasses, bennetons en paille et éclisses de ronce dans lesquelles la pâte était mise à lever.
La disposition comme l’agencement de la pièce commune de la maison traditionnelle répondaient à une logique dictée par le mode de vie des habitants et le souci de ne laisser vacant aucun espace utile. Tous les meubles de rangement se trouvaient disposés le long des murs. C’est notamment le cas du buffet intégré.
L’âtre de la salle commune est l’un des éléments majeurs de la pièce toujours au milieu d’un mur pignon perpendiculairement au mur de la porte d’entrée.
Cette position laissait sur le côté un vide comblé par un massif buffet encastré à deux, trois et parfois quatre portes pleines ou vitrées. La partie basse du meuble étant séparée par une rangée de tiroirs.
Dans ce mobilier caractéristique de la salle commune du Cantal toute la vaisselle familiale s’y trouvait regroupée.
Ce meuble encore souvent conservé dans les maisons aujourd’hui, était destiné au rangement et à l’exposition de la vaisselle pour la mettre en valeur dans la salle commune de la maison rurale.
Dans ce type de meuble dont la partie supérieure est ouverte l’élément de rangement de la vaisselle sur étagère repose sur un buffet bas. Par la suite toute la partie haute du vaisselier sera fermée pour des raisons d’hygiène par des portes pleines ou vitrées.
Le buffet-bas se compose généralement de deux portes et fréquemment de deux tiroirs. La partie haute forme un dressoir (le dressadou) en échelle, à étagères simples ou à étagères en fuseaux. Meuble caractéristique de la plupart des salles communes des maisons rurales même les plus modestes, le vaisselier était souvent encastré entre le placard, les alcôves et l’horloge Contoise.
Plus qu’un rangement de la vaisselle courante, les étagères avaient tendance à être réservées aux pièces de valeur, assiettes de faïences décorées ou en étain utilisées seulement pour les grandes occasions. Aujourd’hui on y expose plutôt quantité d’objets anciens.
Les tablettes de certains vaisseliers sont surmontées en avant d’une barre étroite permettant le positionnement des assiettes vers l’avant selon la tradition dans le Cantal.
Apparu à la fin du 19ème siècle, le grand buffet a intégré de nombreuses salles communes de la maison paysanne du Cézallier. Les modèles au corps du haut en retrait semblent être plus anciens selon les antiquaires.
Ce meuble imposant à deux corps et aux battants pleins juxtaposés, séparés ou non par des tiroirs, généralement peu décorés, abritaient la belle vaiselle. Mais on y gardait aussi précieusement à l’abri des regards quelques bonnes bouteilles et des préparations locales avec les fruits du pays.
Aucun endroit de la pièce commune de la maison rurale n’était perdu, pas même le plafond soutenant l’étage supérieur. Dans le Cantal le plafond était aussi un espace utilitaire encombré de nombreux ustensiles et de provisions rangés sur un petit mobilier spécifique.
Le plafond en bois soutenant l’étage supérieur des anciennes maisons était un espace utilitaire pour faciliter la vie quotidienne.
Aux solives on fixait des barres porte-viandes, des crochets, des étagères, les lampes à huile remplacées par la suspension électrique... Ainsi, se trouvait réuni un système d’accrochage rudimentaire mais pratique et efficace.
Les salaisons séchaient en profitant de la fumée du cantou. Les jambons, lard fumé, saucisses, saucissons, morceaux de gibier restaient là le temps qu’il fallait avant leur dégustation. Lorsque le four à pain s’ouvrait dans le cantou la pelle à enfourner y était fixée.
La « pos », l’étagère au-dessus de la table
Typique de l’identité cantalienne la « pos » est une étagère caractéristique de la salle commune paysanne accrochée au plafond. Elle est formée de planches superposées ou pas formant une sorte de caisse permettant de suspendre d’une façon très pratique la vaisselle du repas (bols, écuelles, soupière...Ce porte-vaisselle faisait aussi office de réserve à provision comme le saindoux, le lard ou pour le séchage du fromage.
L’étage supérieur de la pos servait parfois de réserve de pain. En bout était accroché le chaleil.
Placé autrefois systématiquement au-dessus de la table commune, les modèles qui existent encore dans quelques maisons anciennes sont généralement fixés dans un autre endroit.
L’armoire était le reflet de la richesse et de la solidité du foyer. Davantage que tout autre meuble populaire, l’armoire a participé de tous les styles et reflétait bien les traditions d’Auvergne. Les armoires représentent le témoignage de l’âge d’or du mobilier populaire.
L’armoire n’est courante dans la maison de Haute-Auvergne qu’à partir de la fin du 18ème siècle. En effet, le paysan sans richesse vestimentaire n’avait auparavant aucunement besoin d’une armoire qui faisait partie du mobilier des classes bourgeoises et aristocratiques.
On mesurait au nombre de draps l’aisance de la famille rurale dans la grande armoire. En effet, jusqu’à l’arrivée de la lessiveuse en zinc vers les années 1920, on lavait le linge deux fois par an. Ce qui exigeait de posséder des piles de draps, de chemises et linge de corps.
Armoire de baptême, armoire de mariage, armoire coffre ou armoire à cornes, souvent décorées avec soin, l’art populaire auvergnat durant plus d’un siècle a laissé des traces dans pratiquement toutes les maisons rurales. Parfois on ne sait plus qu’en faire des ces grandes armoires en bois massif, qui en dehors des vastes maisons rurales trouvent difficilement leur place dans les pièces d’aujourd’hui.
Toutes les armoires parvenues jusqu’à nous ne comprennent pas forcément les caractéristiques du Cantal. Le Cézallier oriental borde la Basse Auvergne (Puy-de-Dôme) et le Velay (Haute-Loire). Sur les armoires en place figurent donc les marques de différents terroirs. Car l’armoire pouvait autant venir de chez l’ébéniste local que d’un héritage ou de la dot de la mariée.
PATRIMOINE
L’eau
Les moulins de la vallée de la Sianne
Les passerelles primitives sur la Sianne
Les moulins de communautés villageoises
Le pays
Les Activités
L’estive sur le Cézallier Cantalien
Vie agricole : le temps des moissons (3)
L’usage du feu dans la maison traditionnelle
Le Bâti
Les symboles sur le bâti ancien
Les petits bâtiments d’élevage
Les toitures du Cézallier cantalien